La liberté d’expression est considérée comme une « liberté essentielle » en France
La protection de la liberté d’expression en France
- Elle est protégée par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui est incorporée par référence dans la Constitution française.
- Elle est également protégée par la Convention européenne des droits de l’homme, à laquelle la France est partie.
Pourtant, si le droit français considère la liberté d’expression comme une composante essentielle d’une société démocratique, elle n’est pas considérée comme absolue.
Les législateurs français, et les tribunaux français, cherchent à équilibrer la liberté d’expression avec d’autres impératifs, tels que :
- les autres libertés et droits
- l’ordre public
La liberté d’expression peut être limitée
- La liberté d’expression peut être limitée au nom de la protection de la vie privée
- la protection de la présomption d’innocence
- la prévention de la diffamation et des insultes
- la protection de l’ordre public
Il est illégal d’inciter autrui à commettre un crime, même si aucun crime n’a été commis. |
La loi française interdit les discours de haine, ainsi que les discours niant ou justifiant l’Holocauste et d’autres crimes contre l’humanité. |
La loi française interdit la diffamation à l’encontre des institutions gouvernementales et des titulaires de fonctions. |
Ainsi que le non-respect de l’hymne national et du drapeau dans le cadre d’événements publics organisés ou réglementés par les autorités publiques. |
La télévision et la radio, autrefois monopoles d’État, ont été libéralisées dans les années 1980
La liberté de diffusion est le principal principe juridique pour la télévision et la radio.
Néanmoins, les diffuseurs doivent respecter les lois qui protègent et promeuvent :
- la dignité humaine
- la liberté
- la propriété d’autrui
- le pluralisme des vues et des opinions
- les enfants et les adolescents
- l’ordre public
- la défense nationale
Les diffuseurs qui utilisent des ondes radio doivent être autorisés par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) à utiliser des bandes passantes spécifiques.
Rôle du CSA
- Le CSA attribue les bandes passantes sur la base de critères techniques mais aussi dans le but de promouvoir l’intérêt général et le pluralisme.
- Le CSA contrôle les émissions pour s’assurer du respect des lois françaises.
- Le CSA ne procède pas à une censure préalable des émissions, mais peut sanctionner a posteriori les diffuseurs qui se livrent à des propos illicites.
- Les premières infractions donnent lieu à un ordre de cesser et de s’abstenir, mais les infractions suivantes peuvent entraîner des amendes, voire la suspension ou le retrait des autorisations de diffusion.
Une législation permet également au CSA de retirer l’autorisation de diffusion d’un opérateur contrôlé par un État étranger si celui-ci diffuse un contenu qui porte atteinte à un intérêt national fondamental de la France (source).
Cette législation mentionne spécifiquement la diffusion de fausses informations pour interférer avec le bon fonctionnement des institutions comme un exemple d’émission portant atteinte à un intérêt national fondamental.
La liberté d’expression
Une liberté essentielle
Les articles 10 et 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen protègent les libertés d’opinion et d’expression, décrivant la « libre communication des idées et des opinions » comme « un des droits les plus précieux de l’homme » .
De même, la Convention européenne des droits de l’homme, par laquelle la France est liée, prévoit que « toute personne a droit à la liberté d’expression » , y compris « la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontières » .
Les tribunaux ont reconnu à plusieurs reprises la liberté d’expression comme un droit fondamental
Le Conseil constitutionnel, qui juge de la constitutionnalité des lois françaises, considère que « la liberté d’expression et de communication est d’autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l’une des garanties du respect des autres droits et libertés » .
La Cour européenne des droits de l’homme a déclaré que la liberté d’expression « s’applique non seulement aux informations ou idées accueillies favorablement ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi à celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l’État ou une partie de la population » .
La liberté d’expression n’est pas absolue
Malgré son importance fondamentale, la liberté d’expression n’a jamais été censée être absolue.
Contrairement au premier amendement de la Constitution des États-Unis, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 prévoyait des limites à la liberté d’expression dans sa définition même.
L’article 10 déclare que « nul ne peut être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi » .
L’article 11 prévoit que « tout citoyen peut donc parler, écrire et publier librement, sauf l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi » .
L’exercice de ces libertés, comportant des devoirs et des responsabilités, peut être soumis à des formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi et qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique :
- à la sécurité nationale
- à l’intégrité territoriale
- à la sûreté publique
- à la défense de l’ordre
- à la prévention du crime
- à la protection de la santé ou de la morale
- à la protection de la réputation ou des droits d’autrui.
Le droit français cherche à équilibrer la liberté d’expression avec d’autres impératifs
La Cour de cassation, la plus haute juridiction française en matière civile et pénale, a établi le principe général selon lequel :
« Les restrictions à la liberté d’expression doivent être interprétées de manière restrictive »
Elles doivent être proportionnelles au préjudice attendu.
L’équilibre que les tribunaux français recherchent entre la liberté d’expression et d’autres impératifs est très dépendant des faits. Néanmoins, il semble que les limites appropriées à la liberté d’expression puissent être séparées en deux grandes catégories :
- les limites liées aux droits d’autrui
- les limites liées à l’ordre public
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Limites liées aux droits d’autrui
➧ Faire tout ce qui ne nuit pas à autrui
La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 définit la liberté en général comme :
« la faculté de faire tout ce qui ne nuit pas à autrui«
Conformément à cette définition, la liberté d’expression en France est limitée par :
- le droit au respect de la vie privée
- la présomption d’innocence
- le droit à la « dignité humaine »
- des règles interdisant la diffamation et l’injure
Le droit à la vie privée est protégé par :
- le Code pénal
- le Code civil
- la Convention européenne des droits de l’homme
De même, le Code civil vise à protéger la présomption d’innocence des prévenus en interdisant aux médias de présenter une personne qui n’a pas encore été condamnée pour un crime comme étant coupable de ce crime (source).
➧ La loi du 29 juillet 1881
La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, qui est toujours en vigueur (bien qu’elle ait été modifiée à de nombreuses reprises depuis son adoption initiale), interdit la diffamation et les insultes, tant écrites que verbales.
Elle définit la « diffamation » comme « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du groupement auquel le fait est imputé » .
La même disposition définit l’injure comme « toute expression outrageante, terme de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait » .
➧ L’équilibre entre la liberté d’expression et les interdictions de la diffamation et de l’injure
Ainsi, un discours ne peut être considéré comme diffamatoire s’il peut être démontré :
- qu’il a été exprimé de bonne foi
- s’il est vrai
- même si une déclaration vraie peut toujours être considérée comme diffamatoire si elle concerne la vie privée d’une personne
Limites liées à l’ordre public
Interdictions d’inciter à des actes criminels
La parole peut être limitée pour protéger la communauté en général.
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- L’incitation à l’homicide
- à l’agression physique ou sexuelle
- au vol
- à l’extorsion
- à la destruction de biens
- à d’autres dégradations intentionnelles qui mettent autrui en danger
…est passible d’une peine pouvant aller jusqu’à cinq ans de prison et d’une amende de 45 000 euros, même si le crime en question n’a jamais été effectivement commis.
La même peine s’applique à :
- l’incitation à commettre des infractions pénales contre un intérêt national fondamental
- l’apologie de l’esclavage, des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité
L’incitation ou l’apologie d’actes de terrorisme est passible d’une peine de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 75 000 euros. Ces sanctions sont portées à sept ans d’emprisonnement et à une amende de 100 000 euros si l’incitation ou l’apologie a été faite par le biais d’un service public en ligne.
Interdictions du discours de haine et de la négation des crimes contre l’humanité
Le droit français interdit le « discours de haine » , défini comme :
« La provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leurs origines ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée »
« La provocation à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre ou de leur handicap »
- Les discours de haine sont passibles d’une peine pouvant aller jusqu’à un an de prison et 45 000 € d’amende
- Tout comme la négation ou la minimisation de crimes contre l’humanité reconnus, notamment l’Holocauste
Dans le cas de ces interdictions des discours de haine et de la négation des crimes contre l’humanité, la liberté d’expression est limitée au nom de la protection de la dignité humaine.
Limitations de la liberté d’expression à l’encontre des institutions et des titulaires de fonctions
La parole peut également être limitée pour protéger les institutions du pays.
La loi du 29 juillet 1881 prévoit que :
- la diffamation envers les cours
- les tribunaux
- l’armée de terre, de mer ou de l’air
- les corps de l’Etat
- les administrations publiques
…sera punie d’une amende de 45.000 euros.
La même sanction s’applique à la diffamation envers les agents de l’Etat dans leur fonction officielle, depuis le Président et les membres du Parlement jusqu’aux fonctionnaires locaux.
De son côté, la Cour de cassation a déclaré que la critique du fonctionnement des institutions est un exercice valable de la liberté d’expression. Néanmoins, les poursuites pour diffamation existent et sont souvent difficiles à défendre.
Autre limite à la liberté d’expression : le fait de manquer de respect à l’hymne national français ou au drapeau français
Cela arrive dans le cadre d’un événement organisé ou réglementé par les autorités publiques (comme une cérémonie commémorative ou certaines manifestations sportives).
Cette infraction est passible d’une amende pouvant aller jusqu’à 7.500 € (source).
Le même acte est passible d’une amende de 7.500 € et d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à six mois s’il est commis par un groupe de personnes.
Le droit européen a-t-il un impact sur le droit français en matière de liberté d’expression ?
Comme mentionné ci-dessus, la France est partie à la Convention européenne des droits de l’homme, qui stipule que « toute personne a droit à la liberté d’expression » .
Cependant, la Convention stipule également que les lois peuvent limiter la liberté d’expression si cela est :
- nécessaire dans une société démocratique, dans l’intérêt de la sécurité nationale
- de l’intégrité territoriale ou de la sûreté publique
- pour la défense de l’ordre et la prévention du crime
- pour la protection de la santé ou de la morale
- pour la protection de la réputation ou des droits d’autrui
- pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles
- ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire
Cela semble permettre à la France (et à d’autres pays européens) de limiter la liberté d’expression dans une assez large mesure.
➽ Malgré cela, il y a eu des cas où la loi française a dû être modifiée après que la Cour européenne des droits de l’homme a estimé qu’elle était trop restrictive de la liberté d’expression
L’un de ces cas s’est produit en 2013, lorsque la CEDH a estimé que la condamnation par un tribunal français d’un manifestant en vertu d’une disposition de la loi de 1881 qui interdit les insultes au président de la France était contraire à l’article 10 de la Convention.
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Vrai! S´exprimer est une chose, mais ce qui est encore plus important, c´est rendre les autres (ici les surfeur du web) sensibles à ce genre de problématiques! Anonymous serait-il la solution??
Merci de l’info et bonne continuation
C’est tellement vrai : avec Internet, nous assistons à une généralisation des problèmes de « liberté de la presse »… Il faut la défendre, par tous les moyens !
Votre commentaire, Jaouad, m’a fait terriblement penser à un article que j’ai écrit précédemment dans lequel je disais :
« Je pense qu’on peut difficilement écrire quelque chose de bon si on est contraint à le faire. Ecrire doit être un besoin, une nécessité, un acte presque vital comme le fait de se rendre aux toilettes régulièrement ou boire de l’eau. Dans leurs moments les plus beaux, l’écriture et toutes les créations artistiques (poésie, musique, peinture) doivent être issues d’une douleur. L’écrivain souffre et doit déverser ce qu’il ressent sur le papier pour se soulager. Dans ces conditions-là, il écrira souvent ce que personne d’autre n’aurait osé écrire dans d’autres circonstances. »
(—> « George RR Martin n’est pas votre pute : L’écrivain est-il au service de son lecteur ? »)
Ecrire, c’est souffrir. Car souffrir nourrit l’inspiration et renforce l’audace. Le courage est alors sans limite. La souffrance est une source d’énergie insoupçonnable pour qui veut bien s’en faire l’interprète. Autant dire que pour écrire, au-delà du fait qu’il faille savoir tenir une plume, traduire un sentiment ou une idée dans des mots puisés dans le vocabulaire et respecter les règles de la grammaire…il faut surtout pouvoir être téméraire.
Ecrire en faisant bon ménage avec le conformisme ou en se soumettant aux limites imposées par la normalité vide l’exercice de son sens. Ecrire, ce devrait au contraire être prendre des risques … sortir des sentiers battus. Ecrire sans briser les tabous ni franchir ces lignes invisibles que l’on dit rouges, c’est tourner en rond. Ce n’est qu’un pis aller. C’est sans intérêt.
Ecrire dans l’adversité, c’est participer à l’effort qui réduit le chemin qui sépare des idéaux. Ecrire autrement, dans l’indifférence du sujet, équivaut au contraire à tourner le dos à l’avenir.
Il faut donc croire que dans une logique de recherche effrénée du lucre, écrire ne correspond plus à tout cela. L’écriture doit tout simplement se vendre, le reste important peu.
— Merci de réagir vde… ; j’essaierai de me renseigner sur le livre que vous me conseillez.
— Comme vous je me sens très préoccupé par les diverses formes de conditionnement susceptibles de laver les cerveaux… Mais contrairement à votre remarque ce n’est pas l’auto-censure qui m’inquiète mais la volonté politique de faire taire.
— Je comprends ce que vous voulez dire : se taire peut être considéré comme une forme d’auto-censure, mais je ne pense vraiment pas que l’homme soit fait pour se taire de lui-même s’il n’en est pas empêché. Comme je le dis dans mon article, l’homme me paraît sociable ; sa nature le pousse à communiquer, à critiquer, à se battre (la véritable apparence de la démocratie ? il n’y a pas, je pense, de démocratie sans dispute – le silence que l’on constate aujourd’hui fait peur). C’est cette volonté politique d’étouffer la communication qui me hérisse le poil.
— Et le nerf de la guerre, c’est l’éducation. Vous parlez d’une information qui ouvre les yeux. Certes. Il reste qu’informer des gens qui ne comprennent plus ne sert pas à grand chose. Abêtir la population demeure une solution radicale mais terriblement efficace pour gouverner en paix, dans un silence de mort.
vous avez attisé ma curiosité en passant. Le dernier livre de Ganascia devrait vous intéresser (Voir et pouvoir : qui nous surveille? ), la notion de sous veillance, qui surveille qui et qui est le plus puissant. Tout étant à nuancer puisque le contexte peut inverser la situation. Si la liberté d’expression est toujours menacée en effet, tant dans les pays démocratiques que dans les plus opprimés, la liberté de penser ne sera jamais compromise pour rebondir sur l’une de vos craintes. On aurait plus à craindre de la façon de penser qui peut évoluer, entre un conditionnement ou une pression insidieux, et un martelage de news communication qui lavent définitivement les cerveaux en lieu et place d’une information qui ouvre les yeux et invite à réfléchir et à agir.
L’auto censure en est une des formes redoutables. Pendant que d’autres paient le prix fort l’acte d’informer. Se taire, s’auto censurer ne fera que renforcer ceux qui tendent à contrôler les canaux d’information et de diffusion ET les auteurs des informations ; ceux qui travaillent, par extension, à restreindre les libertés et droits individuels tout court. Parler c’est résister. Et essayer, au moins – au risque d’être très banale – restera toujours le seul moyen de réussir.