MARIE ANTOINETTE DE SOFIA COPPOLA : UNE HÉROÏNE FÉMINISTE TRAGIQUE
LA DERNIÈRE REINE DE FRANCE
Bien qu’elle soit née il y a 265 ans, Marie-Antoinette reste un personnage controversé. À tel point que lorsque Sofia Coppola a présenté son film éponyme sur la reine de France exécutée au festival de Cannes 2006, elle a été huée.
Mais depuis lors, cette relecture originale est devenue un exemple improbable de force féminine tranquille.
Avant de tourner Marie-Antoinette au château de Versailles pendant le seul jour de la semaine où il n’était pas ouvert aux visiteurs, Coppola avait déjà deux films et un Academy Award en poche (meilleur scénario original pour Lost in Translation).
L’auteur avait mis au point une sténographie à la lentille évasée pour dépeindre la solitude des femmes, pleines de potentiel mais prisonnières d’un système conçu pour leur refuser une voix.
C’était une disposition thématique qui se traduisait bien dans le cadre de Versailles (France).
Basé sur la biographie de Lady Antonia Fraser
Cette biographie de L. A. Fraser est elle-même décrite comme une œuvre hautement révisionniste.
Avec un usage encore plus libéral des anachronismes, le film de Coppola a subverti l’histoire de la jeune fille vendue comme une enfant mariée pour renforcer les relations internationales de l’époque.
Ce choix stylistique fait en sorte que lorsque la princesse autrichienne de 14 ans est entrée à la cour royale française, elle entrait dans un monde où elle pouvait porter des Manolo Blahniks, des Converse et grignoter des macarons Ladurée.
Ce mélange de l’ancien et du nouveau n’était pas totalement inconnu du public. Après tout, Baz Luhrmann avait utilisé une technique similaire dix ans plus tôt dans sa réédition de Roméo + Juliette en 1996.
Mais si la vision froufrou et rose de Coppola de la France d’avant-guerre était censée faire le lien avec le présent, le contenu, très actuel, parle de lui-même.
Marie-Antoinette est l’histoire d’une femme à qui l’on a refusé une voix – comme en témoigne le fait qu’Antoinette (jouée avec une joyeuse détermination par Kirsten Dunst) n’a pas de dialogue substantiel avant près de 40 minutes de film.
Le film montre aussi ceux qui sont d’accord avec le maintien du statu quo. Je pense au Louis XVI, joué avec une distraction parfaite par Jason Schwartzman, qui préfère chasser plutôt que de prendre la peine de s’engager avec sa femme.
Les petits moments de rébellion qui ont eu une telle résonance
- Les applaudissements après une représentation d’opéra de cour
- La montée sur scène elle-même
- Le choix de jouer un rôle actif dans l’éducation de ses enfants (dans un faux château dans les jardins du parc de Versailles)
- Prendre un amant lorsque son mari refuse de s’engager
L’Antoinette de Coppola est une femme qui lutte pour que le système fonctionne en sa faveur. Et elle s’exprime alors que cela n’a pas été le cas en réalité.
« C’est ridicule », dit Antoinette à ses interlocuteurs lors d’une longue cérémonie d’habillage matinale qui nécessite l’aide du plus haut gradé de la salle pour s’habiller. « Ceci, madame, c’est Versailles », lui répond-t-on.
La scène « Tout cela, Madame, c’est Versailles »
La plus grande réussite de Marie-Antoinette est peut-être d’avoir refusé de peindre son protagoniste comme quelqu’un qui voulait être parfait. On sympathise davantage avec elle.
La célèbre déclaration d’Antoinette « Qu’ils mangent du gâteau » est présentée dans le film comme une sorte de fausse nouvelle en marge, qu’elle nie avec véhémence.
- Elle est indulgente envers une faute,
- elle danse jusqu’à l’aube,
- elle se faufile dans les bals,
- et lorsqu’elle est confrontée à l’idée de négocier la paix entre les nations, elle choisit de discuter des tissus pour les robes, ou d’ajouter de la hauteur à ses perruques déjà impressionnantes sur le plan architectural.
Son couronnement à l’âge de 19 ans s’accorde avec la séquence la plus somptueuse du film. Elle et Louis organisent une série de fêtes avec feux d’artifice, jeux d’argent, mascarades et deux bateaux de pirates qui se battent en duel dans les lacs du jardin du palais.
Comme les autres personnages de Coppola, Marie-Antoinette n’a pas eu d’autre choix que sa destruction au ralenti
Le plus grand reproche que l’on puisse faire à ce film est peut-être que son atmosphère est lourde (ses somptueux costumes de pâtisserie ont valu un Oscar à la créatrice Milena Canonero) et que l’intrigue est légère.
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Mais la vie d’Antoinette n’était-elle pas comme cela ? Même lorsqu’une foule en colère force sa famille à fuir Versailles, Coppola montre Antoinette comme une femme qui a gagné sa place dans la hiérarchie royale, mais qui n’est toujours pas comprise ni pleinement valorisée.
Si l’histoire et l’art tirent souvent dans deux directions différentes, on peut dire que comme son homologue cinématographique, Antoinette était une femme – un peu comme la réalisatrice elle-même – qui est née dans le privilège.
Cependant, elle n’a jamais eu les outils nécessaires pour sortir de sa cage dorée. Et c’est là la véritable tragédie, et le triomphe artistique de Coppola.
La musique du film : Avril 14h par Aphex Twin
J’avais bookmarqué ce clip pour en faire un article, je vous le livre donc aujourd’hui. Il s’agit d’une des musiques du film, « Avril 14th » par Aphex Twin.
Qui est Aphex Twin ?
Né en 1971, cet irlandais est un compositeur de musique électronique, inventif et original. Il a beaucoup influencé entre les années 1990 et 2000.
Je parle de lui aujourd’hui, mais la bande-son tout entière du film Marie-Antoinette est magnifique. Eclectique, elle semble empreinte de nostalgie ; on a l’impression que le film, et même que chaque image du film a été calquée sur le son.
Signalons aussi d’autres morceaux dans le film, tous plus diversifiés les uns que les autres :
- une œuvre originale pour piano de Dustin O’Halloran
- des classiques du punk rock de Siouxsie and the Banshees et de Bow Wow Wow
- de la pop moderne de slacker de The Strokes et The Radio Dept
Lance Acord : génial directeur photographique
Si j’aime Sofia Coppola, c’est avant tout pour Lance Acord son directeur de la photographie.
Les images, claires et précises, pleines de sens, font que j’aime revoir ce film régulièrement. Les meilleurs films, on aime les revoir même en connaissant l’histoire, parce qu’on aime les images, la musique, les acteurs et le sens donné à l’oeuvre.
Peu de films plaisent, au bout du compte.
- Celui-là laisse une place magistrale à la beauté Kirsten Dunst
- Les images sont contemplatives
- Les couleurs époustouflantes
- Le tout sur une musique excellente
Lance Acord
J’ai remarqué que quatre films que je considère comme marquants pour moi ont bénéficié de Lance Acord à la fonction de direction de la photographie :
- Lost in translation (toujours dirigé par Sofia Coppola)
- Max et les Maximonstres
- Marie Antoinette
- Her
Il a aussi exercé ce rôle dans :
- Buffalo ’66
- Dans la peau de John Malkovitch
- Adaptation
Vous l’aurez compris, j’ai davantage parlé d’images, de couleurs et de musique que d’histoire.
Marie Antoinette ne me plaît pas pour son sujet, mais pour sa forme. Au final, les films seraient-ils vraiment intéressants si on ne les regardait que pour ce qu’ils racontent ?
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