Lacrimosa de Zbigniew Preisner est un morceau de musique tout à fait remarquable. J’ai entendu pour la première fois le morceau « Dies Irae » à la fin de l’épisode 7 de la saison 2 de la série The Crown. De fil en aiguille, j’ai écouté tout l’album. L’utilisation des cordes, de la voix et les pauses lyriques sont à couper le souffle. Et la construction mélodique avec le lacrimosa chanté… c’est d’une exquise froideur.
« Requiem for my friend » est une œuvre musicale du compositeur Zbigniew Preisner, qui pour la première fois ne composait pas pour un film de cinéma.
Le requiem rend hommage à son ami et collaborateur le réalisateur Krzysztof Kieślowski, avec qui Preisner a travaillé sur plusieurs films, notamment la célèbre trilogie « Trois Couleurs ». L’album a vu le jour en 1998, même si certaines sections de la pièce ont été composées peu après le décès de Kieślowski en 1996.
C’est peut-être l’une des plus belles chansons jamais écrites…
Un peu de contexte pour les non-musiciens : Les messes de requiem sont des symphonies sombres écrites pour ceux qui sont décédés, par ceux qui les aimaient, en guise de deuil et de respect.
Le dernier mouvement de ces messes est un Lacrimosa, qui se concentre entièrement sur le deuil ; il s’agit essentiellement de l’équivalent musical d’un adieu. L’amour de Preisner pour son ami était aussi intense que cette chanson.
Le titre « Lacrimosa » de l’album Requiem pour mon ami est l’une des pièces les plus poignantes de l’œuvre de Zbigniew Preisner.
Fidèle à la tradition du requiem, Lacrimosa fait écho à la section liturgique du « Dies Irae », dans laquelle le terme Lacrimosa signifie « pleureuse » en latin et exprime le chagrin face à la mort et au jugement dernier.
Preisner, connu pour ses compositions émotionnelles, utilise dans ce morceau des chœurs saisissants qui confèrent à la musique une atmosphère céleste et tragique. Le chant du chœur s’élève avec une intensité croissante, symbolisant le deuil et l’espoir d’une rédemption ou d’une paix après la mort.
Lacrimosa se distingue par sa simplicité harmonique, mais la profondeur émotionnelle qu’il dégage réside dans sa capacité à capturer le sentiment de perte.
Quand je l’écoute, je ne peux m’empêcher de penser à Mozart
Chaque fois que j’écoute cette chanson, je ressens une vague de colère et de tristesse. Surtout dans les notes les plus aiguës, avec l’orchestre qui entre en scène, on dirait que c’est une lutte pour faire taire la colère. Cela montre à quel point trois notes peuvent être puissantes.
On dirait un ange qui se lamente sur la méchanceté du monde et qui implore la miséricorde de Notre Seigneur au nom du monde.
Pour info, Preisner affirme ne jamais avoir reçu de formation musicale formelle…
Chanté par Elżbieta Towarnicka :
La version de Milena Lange :
LYRICS
Lacrimosa
Lacrimosa
Lacrimosa dies illa
Qua~ resurget ex favilla
Judicandus homo reus
Huic ergo parce, Deus
Pie Jesu Domine
Dona eis requiem. Amen.
Lacrimosa (plusieurs fois)
Tears
Tears
Full of tears shall be that day
On which from ashes shall arise
The guilty man to be judged
Therefore, O God, have mercy on him
Gentle Lord Jesus
grant them eternal rest. Amen.
Tears (plusieurs fois)
Peut-on comparer ce requiem de Preisner au requiem de Mozart ?
Le Requiem de Mozart, composé en 1791, est une commande funéraire restée inachevée à sa mort. Son style est profondément enraciné dans la musique sacrée classique, avec une structure traditionnelle du requiem catholique, avec des sections comme le Dies Irae, Lacrimosa, et Sanctus.
- Il s’agit d’une prière pour le repos de l’âme des défunts
- avec une grande richesse orchestrale
- une polyphonie complexe
- et une force dramatique qui capte l’idée de transcendance divine.
De son côté, le Requiem pour mon ami de Preisner, publié en 1998, s’affranchit des canons liturgiques stricts tout en gardant des références aux rituels catholiques. Son approche est plus minimaliste, émotive et intime.
Là où Mozart célèbre la grandeur de la mort avec une majesté baroque, Preisner se concentre sur le sentiment personnel de perte.
Mozart suit scrupuleusement les étapes traditionnelles de la messe de requiem, divisée en plusieurs mouvements distincts, de la terreur du Dies Irae au réconfort final de l’Agnus Dei.
Sa musique est grandiose, construite sur des contrepoints puissants et des dynamiques expressives, ce qui a pour effet d’amplifier le drame et la solennité du texte liturgique.
Preisner, quant à lui, adopte une structure plus libre
Son requiem est divisé en plusieurs parties, mais il s’autorise plus de liberté dans l’organisation et l’orchestration. L’une des caractéristiques marquantes de Preisner est son usage d’éléments modernes :
- des harmonies plus simples
- une orchestration moins dense
Il fait appel à des chœurs, mais aussi à des instruments solistes, et exploite les silences et les textures sonores pour renforcer l’introspection.
Le morceau Lacrimosa, puisqu’on parle de lui dans cet article, est chez Preisner particulièrement dépouillé. Il privilégie la dimension contemplative au détriment de la terreur du jugement dernier chez Mozart.
Ambiance et émotion
Le Requiem de Mozart est célèbre pour ses contrastes dramatiques et sa capacité à passer de la violence à la paix avec une fluidité saisissante. Le Dies Irae, notamment, incarne la terreur du jugement dernier avec une force impressionnante. C’est une œuvre qui alterne entre la douleur humaine face à la mort et une certaine idée d’espoir dans le divin, tout en explorant le tragique avec une intensité presque théâtrale.
En revanche, l’œuvre de Preisner se distingue par une sobriété émotionnelle. Moins portée sur le contraste, elle s’imprègne d’une mélancolie douce et respectueuse. La musique invite à la méditation plutôt qu’au spectacle. Le registre émotionnel de Preisner est plus intime et introspectif, avec un effet moins dramatique que celui véhiculé par Mozart.
Preisner s’adresse à un public moderne. Son style minimaliste et sa capacité à créer une émotion immédiate avec des moyens plus simples ont fait de son Requiem pour mon ami une œuvre incontournable dans la musique contemporaine.