2024 : Au seuil d’une période de grand désordre

Où nous en sommes en 2024 ?

Les 5 grandes forces qui ont gouverné et gouvernent encore à peu près tout

• 1) le cycle crédit/dette/marché/économie,
• 2) le cycle paix/conflit interne qui façonne l’ordre intérieur,
• 3) le cycle paix/conflit extérieur qui façonne l’ordre international,
• 4) les actes de la nature (par exemple, sécheresses, inondations et pandémies),
• et 5) l’inventivité humaine/la technologie.

J’ai déjà expliqué comment ces facteurs interagissent entre eux et déterminent à peu près tout dans ce que les experts appellent le « grand cycle » et comment ces idées m’ont amené à penser que nous sommes sur la voie d’une période de grand désordre :

• des turbulences financières
• et de grands conflits à l’intérieur des pays et entre eux.

Qu’est-ce le grand cycle ?

Au cours des dernières années, j’ai observé un certain nombre de forces importantes se déployant dans des proportions qui n’ont jamais existé de mon vivant, mais qui avaient existé dans ces proportions au cours de la période 1930-1945.

Cela m’a conduit à étudier les hausses et les baisses des monnaies de réserve et des pays qui les détenaient au cours des 500 dernières années, ainsi que les hausses et les baisses des dynasties chinoises au cours des 2 000 dernières années.

Je pense que l’ordre mondial actuel est à la veille de trois à cinq changements sismiques douloureux qui, s’ils se produisent, perturberont les ordres nationaux et mondiaux d’une manière que nous n’avons jamais vue de notre vivant, mais qui s’est produite à de nombreuses reprises au cours de l’histoire.

Les 5 grandes forces qui se sont intensifiées

1. La création d’énormes quantités de dettes achetées par les banques centrales via l’impression de monnaie et l’achat de la dette (c’est-à-dire la monétisation de la dette). En d’autres termes, le gouvernement se finance lui-même de manière importante en empruntant beaucoup et en imprimant beaucoup d’argent.
2. De graves conflits à l’intérieur des pays (y compris et surtout en Occident), provoqués par les écarts de richesse et de valeurs les plus importants de notre époque, qui conduisent à l’émergence de populistes de gauche et de droite qui se battent les uns contre les autres.
3. Des conflits majeurs entre pays, résultant de la montée en puissance de pays (principalement la Chine) qui deviennent assez puissants pour pouvoir défier les puissances mondiales existantes (principalement les États-Unis) et l’ordre mondial (principalement l’ordre mondial américain).
4. Les catastrophes naturelles (sécheresses, inondations et pandémies), c’est-à-dire le changement climatique.
5. Les changements technologiques : la première et la deuxième révolution industrielle, l’informatique, internet, l’intelligence artificielle.

Chaque force, et plus important encore, leur combinaison, se produit actuellement avec la plus grande ampleur depuis la période 1930-1945 et à des niveaux d’ampleur similaires à ceux qui existaient juste avant les ruptures antérieures et les changements sismiques dans les ordres nationaux et mondiaux.

Pour moi, le monde fonctionne comme suit

Une ligne ascendante représente l’évolution des connaissances et des technologies. Grâce à ces progrès, la productivité et le niveau de vie se sont considérablement améliorés au fil du temps.

• C’est ce que montrent la plupart des statistiques telles que les revenus réels par habitant,
• l’espérance de vie
• et les niveaux de nutrition et de soins de santé.

Bien que je me représente cette tendance évolutive comme une ligne régulière en pente ascendante, le rythme d’apprentissage et de progrès varie.

En ce qui concerne ce qui se passe actuellement, il est évident pour moi et pour la plupart des gens qui suivent ces questions que le monde est à l’aube de l’un des plus grands changements jamais connus, principalement en raison des progrès de l’intelligence artificielle (lire le livre de Laurent Alexandre).

De tels changements ont toujours eu et auront certainement des conséquences importantes qu’il est très difficile d’anticiper avec précision. S’ils sont bien gérés, ils peuvent donner lieu à de grandes avancées en matière de productivité, et s’ils ne sont pas bien gérés, ils peuvent ajouter aux turbulences.

Mais le cycle crédit/dette/marché/économique à court terme (également connu sous le nom de cycle économique) s’accompagne de changements politiques

Ce cycle consiste en des périodes de :

• 1) faiblesse économique et de baisse de l’inflation que nous appelons récessions et qui conduisent à
• 2) des banques centrales stimulant la croissance du crédit et la croissance économique qui conduisent finalement à
• 3) l’inflation qui conduit à
• 4) des banques centrales resserrant la monnaie et le crédit qui causent
• 5) des problèmes de crédit/d’endettement/de marché/économiques qui conduisent à des récessions.

Nous sommes actuellement dans la phase de resserrement monétaire pour lutter contre l’inflation de ce cycle, juste avant la contraction économique qui rendra probablement l’année ou les deux années à venir difficiles pour l’économie.

Le cycle politique à court terme évolue en synchronisation détendue avec le cycle crédit/endettement/marché/économie à court terme.

• Quant à l’orientation de ces cycles, le cycle financier/économique se dirige probablement vers une période de faiblesse,
• et le cycle politique vers les années électorales, en particulier 2024 aux États-Unis et à Taïwan, parce que ces élections seront probablement turbulentes et déterminantes.

Tout au long de l’histoire, ces cycles à court terme se sont accumulés en grands cycles à long terme (d’une durée moyenne de 75 ans, à 50 ans près) au cours desquels :

• 1) l’actif et le passif de la dette ont atteint des niveaux insoutenables, ce qui a nécessité de grandes restructurations financières/économiques et de nouveaux ordres financiers,
• 2) la richesse, les valeurs et les écarts politiques ont atteint des niveaux insoutenables, ce qui a fait basculer les ordres politiques nationaux,
• et 3) le déclin des anciens pays puissants et de leurs ordres par rapport aux nouveaux pays puissants et à leurs ordres.

Ensemble, ces trois forces ont entraîné d’importants bouleversements financiers, politiques et géopolitiques dans les ordres mondiaux.

Sur le plan financier

Ces bouleversements ont toujours pris la forme de dettes trop importantes qui ne pouvaient être payées avec de l’argent réel, ce qui a entraîné une forte impression de monnaie et des problèmes d’endettement qui ont conduit à d’importantes restructurations de la dette par le biais de la dépréciation et de la monétisation de la dette.

Le grand effondrement de l’ancien ordre conduit à la restructuration pour créer le nouvel ordre.

Où en sommes-nous dans le grand cycle et vers quoi nous nous dirigeons ?

Le dernier grand changement sismique de l’ordre mondial a eu lieu pendant la période de dépression et de guerre 1930-1945. Peu après la fin de cette période, les nouveaux ordres monétaires, politiques et géopolitiques mondiaux ont vu le jour.

Depuis 1945, il y a eu 12 cycles et demi de crédit, d’endettement, de marché et d’économie, ainsi que les fluctuations cycliques politiques qui y sont associées.

Nous sommes actuellement à mi-chemin du 13e cycle d’endettement à court terme. C’est à ce moment-là que le resserrement visant à lutter contre l’inflation provoque un craquement sur les marchés financiers juste avant la phase de contraction économique du cycle.

Si l’on considère le cycle de la dette à long terme

Les niveaux de l’actif et du passif de la dette sont devenus insoutenables en raison de finances douteuses, et les dettes devraient augmenter à tel point qu’elles devront être achetées par les banques centrales (qui sont elles-mêmes proches d’avoir des valeurs nettes négatives en raison des pertes importantes qu’elles ont subies sur les dettes qu’elles ont déjà achetées).

Dans ces conditions, il apparaît que les taux d’intérêt suffisamment élevés (et la monnaie et le crédit suffisamment serrés) pour lutter contre l’inflation et fournir aux prêteurs-créditeurs des rendements réels adéquats seront insupportablement élevés pour les emprunteurs-débiteurs.

Le système est proche du point où de grandes restructurations seront nécessaires

En ce qui concerne la situation politique intérieure, on assiste à une montée de l’extrémisme populiste dans la plupart des pays (surtout en Occident) et à un rétrécissement de la classe moyenne (qui reste majoritaire).

Ce phénomène, comme tout au long de l’histoire, est dû à d’importants écarts de richesse et de valeurs qui amènent un pourcentage significatif de la population votante à vouloir des dirigeants politiques qui se battent et gagnent pour eux et à rejeter ceux qui font des compromis.

Selon la plupart des mesures, les États-Unis et la France se trouvent clairement à la fin du stade 5 (« Lorsque les conditions financières sont mauvaises et les conflits intenses ») du cycle de l’ordre interne, qui précède de peu des combats incontrôlés ou une forme de guerre civile.

Les États-Unis en 2024

Pour ce qui est de l’avenir, les États-Unis vont entrer dans une grande année électorale au cours de laquelle 33 sièges du Sénat, la présidence et le contrôle de la Chambre seront disputés par un certain nombre de candidats populistes et se dérouleront probablement en période de mauvaise conjoncture économique, de sorte que les combats seront vicieux.

Ce sera risqué. Le respect des règles et le compromis, nécessaires au bon fonctionnement des démocraties, seront mis à l’épreuve.

Comme les populistes sont tellement déterminés à gagner à tout prix et ne sont pas disposés à faire des compromis, des batailles plus intenses que prévu sont plus probables. Chacune de ces forces fait partie du système.

1. Par exemple, le relèvement du plafond de la dette ne se déroulera pas aussi facilement que la plupart des gens le prévoient et deviendra probablement un enjeu électoral majeur qui divisera le pays parce que les deux camps se battront pour obtenir des victoires et seront moins enclins à faire des compromis.
2. En cette année électorale, l’agressivité à l’égard de la Chine s’intensifiera, car la plupart des gens sont hostiles à la Chine, et les candidats voudront se surpasser les uns les autres dans leur dénigrement de la Chine.
3. Il est probable que les engagements entre les dirigeants américains et taïwanais se poursuivent, ce qui, avec les auditions de la commission Gallagher de la Chambre des représentants sur le parti communiste chinois, rapprochera le conflit entre les États-Unis et la Chine du bord du gouffre (ou le dépassera).

Les catastrophes naturelles

Bien qu’elles soient plus imprévisibles, elles sont plus susceptibles d’être coûteuses et dommageables au cours des cinq à dix prochaines années, à mesure que les effets du changement climatique s’intensifieront.

4 de ces 5 grandes forces (à savoir la force financière, la force de conflit interne, la force de conflit externe et la force de catastrophe naturelle) semblent plus susceptibles d’être des perturbateurs douloureux de l’ordre mondial. La cinquième force (l’inventivité humaine/la technologie) est susceptible d’être un grand perturbateur, bien qu’il soit difficile de dire de quelle manière.

Lorsque ces forces se conjuguent avec l’ampleur que nous connaissons actuellement, l’histoire a montré qu’il est probable que nous assistions à des bouleversements sismiques des ordres financiers, des ordres nationaux et des ordres mondiaux. Pour ces raisons, il me semble que nous sommes au sommet, juste avant la chute.

Il ne fait guère de doute dans mon esprit que l’ordre mondial existant est en train de changer rapidement, et que les personnes qui vivent sur l’hypothèse que les choses fonctionneront de la manière ordonnée à laquelle elles se sont habituées seront choquées et blessées par ces changements à venir.

• En résumé, 1) le monde est certainement en train de changer et changera certainement de manière spectaculaire
• et 2) le succès de cette évolution dépendra de la manière dont les changements seront gérés.

On peut supposer que c’est ce que nous voulons, et que nous devrions donc être fermement opposés à la guerre et favorables à la recherche bipartisane de ce qui est le mieux pour la plupart des gens.

Cependant, certains diront que cette perspective est trop idéaliste et que nous devrions être plus réalistes quant à ce qui est probable et planifier en conséquence. Je reconnais que l’histoire a montré que la poursuite de l’intérêt personnel s’est avérée être une force plus puissante que la poursuite de l’intérêt collectif et qu’il y a de fortes chances que l’évolution vers une pensée de plus haut niveau et de meilleurs résultats soit improbable, de sorte que nous devrions nous préparer au pire.

Si nous sommes préparés au pire, tout ira bien…

⇒ A lire sur notre blog : Pourquoi l’être humain s’abêtit