Pourquoi vous devez lire Balzac ?

Photo of author
Écrit par Mallory Lebel

Se sentir libre de concilier "vie privée" et "vie numérique" sans intrusion.

Ma page Facebook

Honoré de Balzac (1799-1850) a pris au piège une grande partie de la société parisienne du XIXe siècle, tant la haute que la basse, et a élaboré (tel Nostradamus) une grande partie de la réalité sociale à partir d’un mélange de mélodrame sentimental et commercial qui nous captive encore aujourd’hui.

Le cirque de Balzac

« Je pense que vous finirez par apprécier Balzac », écrivait Sylvia Townsend Warner dans une lettre adressée en 1961 à son ami William Maxwell, rédacteur en chef du New Yorker.

« Quand on a réfuté toutes ses théories, dépassé toutes ses normes, abandonné tous ses critères et cessé de se soucier de son apparence, on en arrive à Balzac. Et il est là, attendant devant sa tente de toile, avec tout un cirque à l’intérieur. »

La boutade d’Oscar Wilde selon laquelle Balzac a inventé le XIXe siècle est tout à fait juste

Le cirque de Balzac, pour reprendre la description pertinente de Warner, comprend près d’une centaine de romans et de contes, et la marquise de la tente porte l’inscription La Comédie humaine.

La Comédie est un cycle détendu de fictions reliées entre elles par des thèmes et des personnages récurrents. L’ambition de l’auteur de créer une histoire sociale complète de la France contemporaine est alimentée par une curiosité qui fait déborder ses livres d’intelligence sur des sujets extrêmement variés :

  • le commerce
  • la chimie
  • l’industrie
  • les questions militaires et culinaires
  • le jeu et le journalisme
  • le crime et l’amour, pour n’en citer que quelques-uns

Ce que le poète et essayiste autrichien Hugo von Hofmannsthal a dit d’un roman de Balzac en particulier (La Cousine Bette) peut également s’appliquer à son œuvre en général : même si elle ne contient que « des faits laids, tristes et horribles », elle « rayonne néanmoins de feu, de vie et de sagesse ».

À travers La Comédie humaine, écrit Hofmannsthal, « vibre une joie absolue qui n’est pas entachée par la morosité de son thème, tout comme la joie divine des sons d’une symphonie de Beethoven ne peut à aucun moment être perturbée par la nature effrayante de son expression musicale ».

Si vous cherchez une biographie assez difficile à trouver mais une des meilleures sur Balzac, je vous conseille La Comédie inhumaine d’André Wurmser.

la comedie inhumaine andre wurmser 2

avis la comedie inhumaine balzac

Illusions Perdues est un roman monumental de plus de six cents pages. Écrit en trois parties entre 1837 et 1843, ses différentes intrigues s’entremêlent pour révéler la plupart des préoccupations constantes de l’auteur :

  1. l’ennui étouffant de la société provinciale et le snobisme impitoyable de son homologue parisienne ;
  2. les blessures infligées par toutes les distinctions de classe ;
  3. la corruption de l’amour et de l’art par l’argent et les intrigues ;
  4. les expédients sordides du monde littéraire ;
  5. le cynisme de la presse ;
  6. l’énergie du commerce et de l’industrie ;
  7. la capacité infinie des jeunes à se bercer d’illusions.

L’histoire principale tourne autour du poète Lucien Chardon, un jeune homme naïf et ambitieux qui fuit la province pour se faire rejeter à Paris par la femme qu’il a suivie jusque là-bas.

Balzac mesure avec une précision à la fois tendre et impitoyable chaque coup porté à l’estime de soi de Lucien, observant les mœurs de la campagne et de la ville avec une vigilance qui ne manque aucune phrase mordante ou aucun regard dédaigneux.

Les aspirations poétiques de Lucien ne sont pas plus heureuses que ses ambitions sociales, car il apprend la triste vérité que le talent compte peu face à une vénalité audacieuse : « La clé du succès en littérature, lui conseille un éditeur ami, c’est de ne pas travailler soi-même, mais d’exploiter le travail des autres… Ainsi, plus un homme est médiocre, plus vite il arrive au succès. »

Balzac a sans doute mis dans Les Illusions perdues ses propres désillusions de jeunesse (tout comme il a mis sa prodigieuse connaissance de l’imprimerie et de la fabrication du papier dans le récit secondaire de David Séchard, l’inventeur, compagnon provincial et beau-frère de Lucien). Mais il filtre ces déceptions à travers une intelligence si attentive à toutes les nuances de l’expérience physique, sociale et commerciale que son roman respire une fidélité à la vie que nulle désillusion ne peut entamer.

L’histoire d’un père

L’un des produits dérivés les plus remarquables de la prodigieuse carrière littéraire de Balzac est le Répertoire de la Comédie humaine, préparé par Anatole Cerfberr et Jules François Christophe à la fin du XIXe siècle. Dans ce guide alphabétique annoté des personnages dramatiques de l’univers imaginaire du maître, Cerfberr et Christophe ont sélectionné dans les romans les biographies et les pedigrees balzagiens des centaines et des centaines de personnages qui peuplent la Comédie. Ce guide est fascinant à parcourir, car ses cinq cents pages constituent en quelque sorte un catalogue de graines d’histoires.

NordVPN

NordVPN est un des fournisseurs de VPN majeurs. Il offre un accès illimité à des milliers de serveurs dans le monde entier, ainsi qu'un doublement du chiffrement pour les communications et le surf les plus sensibles.

Fonctionnalités avancées :

  • Une adresse IP dédiée
  • Des serveurs spécialisés pour le peer-to-peer
  • Des serveurs qui transitent via TOR (pas besoin d'installer le navigateur)

Ce service vous permet de contourner les restrictions des FAI et les blocages d'adresses IP. NordVPN intègre aussi des outils de blocage des publicités et des logiciels malveillants.

De tous les personnages référencés dans le Répertoire, aucun n’est peut-être plus obsédant que le père malheureux dont le destin est exploré dans le roman Père Goriot. Présageant ce qui va suivre, la tragédie personnelle de Goriot trouve un écho plus profond dans les répercussions du milieu grouillant qui l’entoure.

En résumé, le livre ressemble à une version pauvre du Roi Lear : un homme d’affaires à la retraite est ruiné par la cupidité et l’insensibilité de ses filles ingrates. Mais ce qui distingue ce récit dans toute sa richesse, c’est la manière dont Balzac utilise la triste situation de Goriot pour brosser le portrait dynamique d’une société tellement empêtrée dans des motifs vénaux que même les sentiments humains les plus fondamentaux en sont pervertis.

Le romancier retrace avec ironie la descente de Goriot de la prospérité à la pauvreté en le faisant monter toujours plus haut dans la pension de Madame Vauquer. Étage après étage, il passe des meilleures chambres situées en dessous à un taudis au troisième étage, sa fortune et son moral sapés par le besoin incessant de ses filles mariées de financer leurs appétits et leurs aspirations. Ses filles élégantes lui rendent visite de temps à autre, éveillant les soupçons des autres pensionnaires de la pension, qui ignorent la nature de la relation entre le vieil homme et les jeunes femmes. Il se lie d’amitié avec Eugène de Rastignac, un étudiant en droit ambitieux mais pauvre, qui, devenant l’amant de Delphine, la fille de Goriot, se rend vite compte que ses désirs dépassent largement ses moyens et se retrouve pris dans la toile du criminel Vautrin.

Alors que la vie de Goriot sombre dans la misère, l’éclat du monde des aventures sociales de Rastignac se révèle n’être que l’éclat des chaînes de l’argent et de l’influence qui emprisonnent ses habitants.

Au final, notre sympathie pour le vieux Goriot est tempérée par le fait que nous savons qu’il est complice de sa propre misère, ruiné par la monomanie qui transforme son affection paternelle en une avarice aveugle. Comme le défaut fatal de nombreux protagonistes mémorables de Balzac, son obsession n’est ni inimaginable ni obscure, et elle est d’autant plus horrible qu’elle nous est familière. Le Père Goriot est le premier roman dans lequel Balzac commence à colorer systématiquement la trame de sa Comédie avec des personnages, des familles et des décors qui réapparaîtront, avec plus ou moins d’intensité, d’une histoire à l’autre.

A lire aussi sur notre blog6 conseils pour vous aider à aborder un roman classique

Le mélodrame comme métaphysique

La Peau de chagrin, roman que Balzac a révisé à plusieurs reprises, publiant sept éditions différentes en quatorze ans, commence de manière brillante, avec une longue description de l’entrée d’un jeune homme dans une maison de jeu du Palais-Royal. Après une analyse minutieuse des ramifications sociales, culturelles, juridiques et providentielles du geste d’un client qui pose son chapeau à l’entrée, le récit décrit avec une sensibilité surnaturelle l’atmosphère physique et psychologique du casino.

La scène culmine lorsque le jeune homme sans chapeau (nous ne savons pas encore qu’il s’agit de Raphaël de Valentin) place et perd sa dernière pièce d’or dans un pari désespéré. Il quitte la salle de jeu (un lieu « où même le désespoir doit se comporter de manière convenable ») avec l’intention de se suicider de manière inconvenante en se noyant dans la Seine.

Mais en chemin, il est distrait par l’attrait d’un magasin d’antiquités, dont Balzac catalogue avec délectation le contenu : meubles, objets d’art, souvenirs, armes, porcelaine, tableaux, miroirs, « reliques de civilisations et de religions » du monde entier. Enfin, le propriétaire de cette boutique de curiosités montre à Raphaël un trésor inimaginable : un morceau de chagrin (cuir non tanné) qui a le pouvoir d’exaucer tous les désirs de son propriétaire. Cependant, comme le prévient le boutiquier à son jeune client, chaque souhait exaucé réduit le chagrin et diminue les jours de son possesseur. Mais Raphaël s’en moque : « Je veux vivre à l’excès ! » s’écrie-t-il en saisissant la peau.

Le décor est ainsi planté pour l’une des explorations philosophiques les plus révélatrices de Balzac. Au premier plan, le réalisme des descriptions vivantes de l’auteur sur la salle de jeu et la boutique d’antiquités (et les épisodes suivants, tout aussi perspicaces). En arrière-plan, il y a l’énigme fondamentale posée par la peau surnaturelle et les réflexions de l’antiquaire qui la propose : nos désirs nous épuisent-ils ? Allant et venant dans le temps, Balzac suit le destin de Raphaël à travers un panorama dynamique de la société contemporaine, éclairant, à travers les compulsions d’une intrigue délicieusement mélodramatique, les énigmes métaphysiques qui tourmentent et enthousiasment nos âmes.

« Tu veux savoir ce qu’est le journalisme ? » a demandé une de mes anciennes professeures à ma fille il y a une douzaine d’années, alors qu’elle réfléchissait à son orientation professionnelle. « Lis Les Illusions perdues. » Que Balzac puisse s’appliquer au monde de l’imprimé ne m’avait pas vraiment surpris à l’époque, mais je suis ravi de constater aujourd’hui que les intuitions du romancier sur la nature humaine semblent tout aussi applicables aux illusions, aux tromperies et aux désespoirs de l’ère numérique.

Naviguez en toute sérénité

Cliquez ici pour assurer votre confidentialité sur internet. Chiffrez vos données et surfez sans limites.

banniere nordvpn janvier 2025

Laisser un commentaire