Et si le loto était la façon la plus égalitaire de s’enrichir ?

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Écrit par Mallory Lebel

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Je vois un peu le loto comme la mort : riche comme pauvre, vous y accédez.

Quand on y réfléchit, le loto montre certes très peu de chance de s’enrichir, mais cette chance est assez égalitaire somme toute :

Certes les riches peuvent jouer en masse de nombreuses grilles à chaque tirage et à ce titre ils auront plus de chance d’obtenir le jackpot. Mais vous me concéderez qu’ils ne jouent pas tant que ça. La majorité des gagnants au loto, c’est bien connu, ce sont des gens modestes. Pourquoi ?

  • – D’une part parce que les riches n’ont pas besoin de compter sur la chance pour s’enrichir. Ils ont le travail qui va bien.
  • – D’autre part les chances de s’enrichir vraiment avec le jackpot sont minimes : ce n’est pas rentable de miser dessus, vous ne remboursez pas votre mise à chaque fois.

Les riches ne jouent pas autant, non pas par manque de moyens, mais parce que leur rapport à l’argent diffère : ils préfèrent les investissements qui promettent des rendements plus sûrs, calculables, dans lesquels l’effort et l’expertise ont un rôle prépondérant. Mais pour une frange plus modeste de la population, la loterie devient l’un des rares espoirs d’une ascension sociale instantanée, un miracle arraché au hasard.

Si les riches sont découragés, les pauvres peuvent tirer leur épingle du jeu. Pas en jouant en masse de multiples grilles. Mais en jouant régulièrement pour entretenir leur espoir. Sur le long terme et sur un coup de chance, ils peuvent gagner.

Les pauvres, au final, gagnant plus souvent que les riches, ne peut-on pas dire que le loto est le plus socialiste des jeux ? Non, diront certains critiques, « c’est plutôt un impôt déguisé ». Et vous qu’en pensez-vous ?

Le hasard selon Epicure

Le concept de hasard est central dans la loterie, et les philosophes de l’Antiquité ont souvent réfléchi à la question des événements qui arrivent sans cause nécessaire.

Epicure introduit l’idée du « clinamen » dans la nature : une petite déviation aléatoire des atomes qui rend possible le changement et l’imprévu dans l’univers. Le loto est un exemple moderne de cette contingence où la richesse pourrait survenir de manière aléatoire, sans lien avec le mérite ou l’effort.

Blaise Pascal, avec ses réflexions sur le pari dans Les Pensées, évoque l’idée qu’il est rationnel de prendre des risques face à l’incertitude (il parlait de l’existence de Dieu). La loterie pourrait être vue comme une forme de pari moderne : en jouant, on parie sur une petite chance de changer radicalement sa vie, avec le risque de perdre de petites sommes.

L’attrait de la loterie réside dans le fait que les participants sont sur un pied d’égalité

Pour les riches, les pauvres et tous ceux qui se situent entre les deux, chaque personne a les mêmes chances de gagner. C’est un jeu de chance qui peut rapporter gros.

Les pauvres préfèrent ce type de jeu, car ils ont parfois inconsciemment l’impression d’être désavantagés dans la vie. Ils trouvent du réconfort dans un jeu qui nécessite une quantité astronomique de chance, et pas de naître dans une famille aisée.

Les gens considèrent le potentiel de gain comme un jeu de hasard, plutôt que comme un jeu de compétences. Les riches sont généralement à l’opposé et pensent que la plupart du temps, les personnes qui créent de la valeur seront récompensées.

Cette différence fondamentale fait disparaître tout l’attrait des billets de loterie aux yeux de la plupart des riches. Par conséquent, ils sont moins susceptibles d’en acheter.

Certains économistes fustigent la loterie comme un « impôt déguisé sur la pauvreté »

Ils affirment que les gouvernements exploitent l’espoir des plus démunis, détournant des sommes considérables qui auraient pu être investies ailleurs. Derrière l’égalité apparente des chances, le système reproduit une dynamique de captation des revenus : le rêve d’un jackpot cache la dure réalité des pertes répétées.

L’idée que la loterie fonctionne comme un « impôt déguisé sur la pauvreté » trouve son écho dans les travaux de sociologues comme Pierre Bourdieu et Michel Foucault. Bourdieu a largement théorisé la reproduction des inégalités sociales à travers le concept de capital (économique, social, culturel). La loterie, en ciblant principalement les classes populaires, peut être vue comme un dispositif de pouvoir qui exploite les aspirations des plus démunis tout en maintenant les structures d’inégalités.

Foucault, avec son analyse du biopouvoir, interpréterait la loterie comme un moyen de gouverner les populations en canalisant les espoirs des plus pauvres vers des formes de contrôle économiques.

Qu’est-ce que je ferais avec les 13 millions du loto ce soir ?

Conclusion

Le loto est-il l’ultime paradoxe de notre société moderne :

  • un jeu égalitaire dans son essence
  • mais profondément inégal dans ses effets ?

À l’instar de la mort, elle incarne l’idée que chacun est soumis aux caprices du hasard, et pourtant, ce sont toujours les mêmes qui perdent plus qu’ils ne gagnent.

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