Colette : l’écrivaine
– J’avoue : je viens d’écouter Colette, l’écrivaine française née en 1873, morte en 1954, lorsqu’elle fut entendue par André Parinaud en 1950 pour la radio RTF. Ces entretiens apparaissent comme des trésors ; entendre la voix de Colette, entendre cette voix rocailleuse, d’un autre temps, est un pur régal.
– Mais là n’est pas le sujet. Une anecdote évoquée par Colette m’a touché, un point de détail me direz-vous, mais qui m’a donné envie de le partager avec vous.
La chevelure de Colette
– Il faut savoir que Colette, étant enfant, adolescente, puis jeune femme, avait les cheveux longs, très longs puisque sa chevelure a pu mesurer jusqu’à 1 mètre 59. Sa mère prenait extrêmement soin des cheveux de sa fille. Mais Colette a fini par les couper. Elle raconte comment sa mère, informée de la nouvelle par un courrier auquel était jointe une photo, lui a fait savoir son grand mécontentement par retour de missive. Elle lui a écrit :
“Tu as mal agi. Tes cheveux ne t’appartenaient pas : ils étaient l’objet de mes soins depuis ta naissance, et tu as laissé péricliter un dépôt que je t’avais confié.”
Vous me connaissez, cette phrase m’a tout de suite interpellé. Elle est splendide. Voilà ce qui me plaît :
La tournure de la phrase
1/ Une affirmation nette : Tu as mal agi. A l’écouter, c’est un fait établi.
2/ La maman de Colette explique ensuite pourquoi : Tes cheveux ne t’appartenaient pas. Là encore aucune question n’est posée, aucun doute ne transparaît. C’est une évidence : les cheveux de sa fille n’appartenaient pas à la mineure mais à ses géniteurs.
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4/ Tu as laissé péricliter un dépôt que je t’avais confié. Le verbe péricliter est bien trouvé : on voit, à travers ce verbe, le cheveu tomber au sol après avoir été coupé sauvagement par une paire de ciseaux. Le verbe péricliter me rappelle le verbe pourrir. En coupant ses cheveux, Colette n’a-t-elle pas abandonné une partie de l’amour que sa mère lui avait prodigué ? Pour en revenir à mon cas personnel, je sais que je ne devrais pas m’occuper si passionnément des cheveux de ma fille ; parce qu’à l’âge adulte, quand elle décidera de les couper, je ne pourrai m’empêcher de penser qu’elle agit ainsi pour me faire comprendre qu’elle n’a plus besoin de moi, qu’elle n’est plus une petite fille désormais, et qu’elle passe à autre chose. Le symbole est fort. La maman de Colette s’est vexée parce qu’elle s’est sentie abandonnée. Elle a bien tourné sa phrase.
Le débat
– Passons maintenant au débat mais ce n’est pas le plus important ici ; ce qui m’intéressait, avant tout, c’était la forme.
– Il consisterait en la question (amusante) suivante : à qui appartiennent les cheveux de nos enfants mineurs ? Bien sûr, à notre époque, on rigole en lisant cela. On a envie de répondre à l’unisson : ils appartiennent évidemment à l’enfant lui-même, ses cheveux font partie de son corps ! Et pourtant un mineur n’a pas le droit de voter. Un mineur n’est pas pénalement responsable de ses actes. Un mineur a le droit d’être giflé par ses parents. Alors ses cheveux ?
– Allez, passons, la question est risible et il est simple d’esquiver le débat quand votre fille et vous n’êtes pas d’accord sur la façon de la coiffer : discuter avec elle, lui dire ce que vous trouvez joli chez elle, lui demander son avis, et les choses se décident ainsi.
– Il n’empêche que la discussion ne devait pas être aussi facile à la fin du XIXème siècle / début du XXème. Vous connaissez la morale de cette histoire ? J’ai une furieuse envie, maintenant, de me replonger dans l’oeuvre de Colette.