J’ai enfin commencé à lire La Communauté de l’Anneau et même s’il me faut près de 2 minutes pour lire une seule page, j’apprécie vraiment le style d’écriture de Tolkien, et pas seulement l’histoire.
Je ne parle pas de sa prose, qui peut rebuter les lecteurs potentiels car elle est difficile à lire, après tout elle a été écrite dans les années 40. Je parle de son style : le rythme lent, les digressions sur la construction du monde, les pauses musicales. Pourquoi n’y a-t-il pas plus de livres avec des pauses musicales ? Je n’en ai lu aucun autre qui en ait.
Le Seigneur des anneaux est considéré comme un des meilleurs dans le domaine de la fantasy. Sa construction du monde et ses tropes se sont imposés dans le genre, mais pas la façon dont l’histoire est racontée.
Personne n’écrit plus comme Tolkien
La capacité d’attention des gens s’est réduite, et nos divertissements en tiennent compte.
Les séries télévisées sont de plus en plus courtes. Au lieu de saisons de 25 épisodes, nous en avons 13, 8 ou 6. Ce n’est pas toujours une mauvaise chose, car les épisodes de remplissage peuvent nuire au développement de l’histoire, mais la tendance est aux récits plus resserrés qui avancent rapidement.
Parfois, les histoires peuvent être plus courtes qu’elles ne le sont. La trilogie Le Hobbit est connue pour être trop longue. Le fait qu’une histoire soit longue ou non dépend de ce que les scénaristes font du temps supplémentaire. S’il s’agit simplement de remplissage, ça devient lassant. Mais si ce temps permet de développer les personnages, les relations ou l’univers, cela peut rendre le public plus investi. Quelques épisodes ou pages supplémentaires peuvent être bénéfiques.
Cela nous ramène à la question du rythme
Le Seigneur des anneaux consacre beaucoup de temps à la construction du monde. Au chapitre 5 de La Communauté de l’anneau, il y a un saut de page suivi de paragraphes sur une ancienne ferme hobbit. Cela interrompt l’histoire et ralentit le rythme, mais cela en vaut la peine car cela permet de construire le monde. On a l’impression d’être en voyage avec les hobbits. Le rythme lent nous plonge dans l’histoire.
Toutes les histoires ne gagneraient pas à être rallongées. Breaking Bad avait une durée parfaite. Mais beaucoup d’œuvres fantastiques et de science-fiction pourraient être rallongées.
- Par exemple, The Creator aurait pu être une série télévisée, car il manquait de construction du monde.
- Arcane aurait pu bénéficier d’un ou deux épisodes supplémentaires.
Si les séries policières ont besoin d’un rythme rapide, les œuvres fantastiques gagnent à ralentir et à immerger le lecteur.
Tout est question de proportions : histoire vs informations aléatoires. A Game of Thrones comporte plus d’intrigues et de remplissage. La construction de son univers est plus liée à l’intrigue.
Les conseils d’écriture modernes disent souvent : « Si cela n’a pas de rapport avec l’intrigue, supprimez-le. » Ce n’est pas faux, mais beaucoup le considèrent comme une vérité absolue plutôt que comme une simple recommandation. La plupart des passages de La Communauté auraient pu être supprimés selon cette règle, mais cela aurait fait perdre une grande partie de ce qui rend Le Seigneur des anneaux unique. Ce n’est pas seulement une histoire, c’est une exploration d’un monde, ce dont la fantasy pourrait davantage se servir.
Oui, cela ralentit le rythme, mais cela permet également de fidéliser un public investi dans cet univers, comme les fans de la Terre du Milieu. Explorer au-delà de l’intrigue permet de développer les personnages. Trop souvent, le développement des personnages ne sert qu’à l’intrigue ou au thème. On voit rarement le développement pour le développement.
N’ayez pas peur d’inclure des conversations entre les personnages qui ne font pas avancer l’histoire, des digressions sur la construction du monde ou des pauses musicales. Si c’est bien fait, les gens adoreront, et c’est amusant à écrire. Les écrivains passent des heures à construire des mondes et des personnages, pour que la plupart d’entre eux ne figurent pas dans le livre.
Bien sûr, les histoires plus longues coûtent plus de temps et d’argent à écrire, à éditer et à imprimer. Les gros livres sont plus chers, sauf si vous êtes un auteur célèbre.
Tolkien a façonné la fantasy avec son univers, ses races, ses thèmes et l’ampleur de son histoire
C’est cela qui perdure. Nous n’aimons pas Le Seigneur des anneaux à cause des intermèdes musicaux, tout comme nous n’aimons pas Breaking Bad à cause des scènes de billard. La forme est importante, mais l’histoire l’est encore plus.
- Un monde qui semble réel
- des personnages légendaires
- une histoire d’outsiders où les plus petits ont le plus grand impact
- le bien triomphant du mal
…voilà ce qui est intemporel. Personne n’écrit plus comme Tolkien, car la société a changé. Nous n’avons plus la capacité d’attention nécessaire pour que les longues digressions soient la norme. Les histoires comme Le Seigneur des anneaux sont toujours populaires, mais elles ne sont pas majoritaires.
Nous aimons les récits rapides et concentrés. Mais les thèmes que nous aimons n’ont pas changé. Si le style de Tolkien n’a pas perduré, ses histoires, elles, ont traversé le temps.
J’ai du mal à lire Le Seigneur des anneaux, mais cela m’est égal. J’aime le rythme lent, les pauses musicales, la magie des contes de fées (voir 50 livres de SF à lire). Ce livre est fait pour être digéré lentement, pour vous emmener pas à pas dans un voyage. C’est pourquoi personne n’écrit plus comme Tolkien. Personnellement, cela ne me dérangerait pas que les écrivains ralentissent à nouveau.
