Henri Laborit, dans Eloge de la fuite, a une petite phrase limpide au tout début de son livre, une phrase toute simple et qui pourtant contient peut-être la solution à beaucoup de problèmes humains :
« Nous ne vivons que pour maintenir notre structure biologique, nous sommes programmés depuis l’oeuf fécondé pour cette seule fin, et toute structure vivante n’a pas d’autre raison d’être, que d’être. »
Henri Laborit, en tant que scientifique et biologiste, replace l’homme dans son état d’animal et prend de la hauteur vis-à-vis de la vision homo-centrée que nous avons.
Nous avons trop souvent tendance à nous inventer une âme, un rôle, un « petit plus » que les animaux n’auraient pas et qui nous octroierait un droit supplémentaire sur la vie des autres. Or, bien entendu, il n’en est rien. Certes notre cerveau est plus gros, certes l’esprit humain est capable d’abstraction, d’imagination, de création, de foi, ce qui nous rendrait à peu près uniques parmi les êtres vivants, oui certes. Mais homo sapiens reste un animal, et en tant que tel, il répond au commandement originel de la nature qui le pousse à vivre et à procréer. Être, affirme Laborit dès les premières phrases de son livre, est notre seule raison d’être.
Malgré les apparences, cette phrase dit beaucoup. Elle combat les croyances religieuses qui veulent nous donner un but divin. Elle retire toute idée d’âme. Comme un simple insecte, l’homme est né pour répondre à son instinct de survie et participer à la propagation de son espèce. Son but, inscrit dans ses gênes, est la reproduction de sa lignée, rien de plus, rien de moins. Pas la peine d’inventer autre chose.
Cette phrase est aussi, quelque part, une réponse à la question de la mort :
- ne cherchons aucun but à notre vie
- ne cherchons aucune vie après notre mort
- notre vie a pour but de perpétuer notre espèce et nous ne sommes que le maillon d’une chaîne qui nous dépasse
Cette réponse peut rassurer car en nous ôtant une quelconque utilité en tant qu’individu, elle rend notre mort moins atroce puisqu’elle fait partie d’un cycle naturel de la vie profitant de notre passage sur Terre.
- Nous n’avons aucun but prédestiné ou précis
- Nous ne sommes pas important en tant qu’individu
- Mais nous faisons partie du cycle de la nature, ce qui nous donne une certaine utilité.
Qui était Henri Laborit ?
Né à Hanoi (Viet Nam) le 21 novembre 1914 et décédé le 18 mai 1995, Henri Laborit était un chirurgien, chercheur, écrivain et philosophe français.
Animé d’un esprit résolument anticonformiste, il a conservé son indépendance vis-à-vis du monde universitaire et n’a jamais cherché à produire ses résultats scientifiques comme tout le monde. Son laboratoire a été autofinancé pendant des décennies et lui a permis de poursuivre ses intérêts interdisciplinaires. Il est largement considéré comme un pionnier de la pensée systémique et de la théorie de la complexité en France.
Il a remporté le prestigieux prix Albert Lasker pour la recherche médicale clinique en 1957. Par la suite, Laborit est devenu chef de recherche à l’hôpital Boucicault à Paris.
Il s’intéressait aux psychotropes, à l’eutonologie et à la mémoire. Il a été le premier à utiliser la dopamine pour réduire les chocs chez les soldats blessés. Ce faisant, il a observé que les personnes traitées avec ce médicament montraient un intérêt moindre pour leur environnement, ce qui a conduit à son utilisation comme antipsychotique.
Il a également été le premier chercheur à étudier le GHB, au début des années 1960.
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Il a souligné à plusieurs reprises qu’une meilleure compréhension des déterminants cérébraux des comportements humains (la domination, l’agression…) est une condition nécessaire à toute évolution favorable des sociétés humaines.
L’antidépresseur Agr 1240 (minaprine, commercialisé sous le nom de Cantor® jusqu’en 1990) est une molécule stimulante que Laborit a développée dans le but de neutraliser les conséquences de l’inhibition de l’action.
L’inhibition de l’action
Laborit affirmait qu’un des rôles majeurs du cerveau est l’organisation des comportements, c’est-à-dire l’action. Il y a inhibition de l’action lorsque les comportements deviennent impossibles, ce qui est néfaste pour la santé. Cela se produit lorsqu’un comportement instinctif (comme le combat ou la fuite) est impossible, lorsqu’il est inutile d’agir, lorsqu’il est impossible de prévoir un danger ou lorsqu’il n’existe aucun modèle de réaction antérieur à une action directe. Dans ces situations, un système cérébral, le système inhibiteur de l’action, est activé.
L’inhibition de l’action est illustrée par des expériences sur des animaux réalisées dans le laboratoire de Laborit au début des années 1970: Les rats sont placés dans un appareil de conditionnement à deux compartiments pour éviter toute activité.
Les rats reçoivent 10 cycles de 21 chocs électriques plantaires par jour pendant 1 semaine, chaque séance de choc étant précédée d’un signal sonore et lumineux. Dans ces conditions, si l’animal peut effectuer un évitement actif (lorsque l’autre compartiment est ouvert), ou si le rat est placé avec un autre rat de manière à pouvoir se battre avec lui, aucune hypertension artérielle n’est observée. Si le rat ne peut pas s’échapper ni se battre, une hypertension se développe qui demeure chronique pendant un mois.
Le suivi de ces rats a montré qu’ils étaient toujours hypertendus trois mois plus tard. Dans une autre expérience, tous les rats reçoivent des chocs auxquels ils ne peuvent pas échapper. La moitié d’entre eux sont ensuite soumis à des convulsions (induites électriquement) après chaque séance de choc : ceux-là ne développent pas d’hypertension. Cette absence d’hypertension est interprétée comme étant due à l’impossibilité d’un apprentissage conditionnel en raison des convulsions.
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Merci, ça encourage vraiment, bonne journée à vous.
Vos articles mélangeant science et philosophie sont très intéressants. Bravo!